Etre entendue sans s’excuser d’exister

En tant que coach, j’entends souvent la même question chez mes clientes :

« Comment je peux influencer mes collègues masculins sans devoir parler plus fort qu’eux ? »

« Comment répondre quand on m’explique mon propre sujet en réunion ? »

Derrière, il y a toujours la même envie : être écoutée, respectée et prise au sérieux, sans se transformer en quelqu’un qu’elles ne reconnaissent pas.

Influencer au féminin, pour moi, ce n’est pas manipuler, ni écraser.
C’est créer du mouvement chez l’autre tout en restant alignée avec soi.

Quand Camille disparaît en réunion

Camille est manager dans une équipe très masculine. En coaching, elle me confie :

« En réunion, je lance une idée, personne ne réagit.
Dix minutes après, un collègue dit quasiment la même chose, et là tout le monde trouve ça génial.
Je ressors frustrée, fatiguée… et fâchée contre moi de n’avoir rien dit. »

 

Il lui arrive aussi de vivre du mansplaining :

« On m’explique mon propre sujet, comme si j’étais stagiaire. »

 

Rien de “spectaculaire”, jamais “assez grave” pour faire un scandale… mais suffisamment répétitif pour entamer sa confiance.

Avec Camille, nous avons travaillé non pas à la rendre “plus dure”, ou plus masculine! Non : j’ai entraîné Camille à influer autrement, dans ces situations très concrètes.

1. Clarifier son intention d’influence

Je commence souvent par cette question :

« Qu’est-ce que tu veux vraiment obtenir dans ces réunions ? »

Camille voulait :

  • que ses idées soient discutées,
  • que son expertise soit reconnue,
  • garder une relation professionnelle correcte avec ses collègues.

À partir de là, on ne cherche plus à “avoir raison contre eux”, mais à orienter la conversation dans une direction utile.

2. Préparer son influence avant la réunion

La plupart du travail se fait avant d’entrer dans la salle.

a) Clarifier son message

Avant d’agir, se demander ce que l’on veut est primordial !

« Si tu ne devais faire passer qu’un seul message dans cette réunion, ce serait quoi ? » demandais-je à Camille.

Sa réponse:

« Le point clé que je veux poser aujourd’hui, c’est que le projet n’est pas tenable sans adapter la charge. »

Une phrase. Claire. Alignée. Puissante.

b) S’ancrer dans son corps

Avant de parler, se « poser », prendre sa place.

  • Posture, respiration, regard : le corps parle avant les mots.
  • S’asseoir droit. Poser les pieds au sol.
  • Respirer lentement avant de prendre la parole.
  • Mets ta couroone sur la tête.

C’est une façon de dire silencieusement : « J’ai ma place ici. »

c) Se trouver un allié

Je conseille souvent de repérer une personne alliée dans la salle (homme ou femme) et de lui dire avant :

« Si tu entends une idée que je lance et qui passe à la trappe, tu peux m’aider à la remettre sur la table ? »

L’influence ne se joue pas toujours en solo.

3. Quand on te coupe la parole

Avec Camille, nous avons préparé des phrases courtes et prononçables même sous stress.

Quand elle est interrompue :

Version calme

« Je termine juste ma phrase, après je te laisse la main. »

Version plus ferme

« Laisse-moi finir, après je suis preneuse de ton point de vue. »

L’objectif n’est pas de ridiculiser l’autre, mais de poser un cadre clair : « ma parole est légitime, je la termine. »

4. Quand un collègue répète ton idée… et récolte les lauriers

Scénario classique : tu proposes quelque chose, silence.
Plus tard, un collègue reformule, et tout le monde applaudit.

Avant, Camille se taisait ou faisait une blague.
Maintenant, elle pratique ce que j’appelle l’appropriation douce :

Rebondir sans agressivité

« Oui, c’est exactement ce que je proposais tout à l’heure, et je pense qu’on peut le concrétiser en… »

Rappeler le fil de la discussion

« Pour reprendre ce que je disais en début de réunion, l’idée est bien de… »

Elle ne se justifie plus. Elle reprend simplement sa place dans la conversation.

5. Face au mansplaining?  nommer sans exploser

Le mansplaining, c’est cette manière qu’ils ont de t’expliquer ton propre sujet, ou de le traduire aux autres, comme si tu ne savais pas parler.

Avec mes clientes, on travaille des réponses qui nomment la situation sans partir en guerre :

Recadrage factuel

« Merci, c’est justement mon périmètre depuis X années, je peux vous partager où on en est concrètement. »

Question miroir

« Qu’est-ce qui te fait penser que ce point n’était pas clair dans ce que je viens de présenter ? »

Humour léger (si la relation le permet)

« Je vois que tu adores ce sujet, moi aussi, c’est pour ça que je le pilote. Je te montre où on en est ? »

Le message derrière est simple : « Je suis compétente. Je garde ma place. »

6. S’exprimer c’est imprimer à l’extérieur!

Ce que j’observe chez mes clientes, c’est que leur vraie puissance d’influence apparaît quand elles osent :

Parler en “je”

« Ce que j’observe sur le terrain, c’est… »   « Ce qui m’importe ici, c’est… »

Relier le rationnel et l’humain = chiffres + impact humain (équipe, clients, qualité).

Assumer et clarifier les limites

« Avec ce plan de charge, je ne peux pas garantir la qualité.
Si on veut que ça marche, il faut soit décaler, soit enlever quelque chose. »

Ce n’est pas “être compliquée”, c’est prendre la responsabilité de la réalité.

7. Non, je ne suis pas un génie de la réplique!

Tu crois que je suis une génie de la réplique ? Bien sûr que non.

Derrière, il y a une méthode. Une méthode que j’enseigne à mes clientes et qui tient en un mot : B.R.A.I.N.

C’est un modèle d’influence simple, que j’adapte au féminin :

B – Bridging (Créer le lien – maintenir le lien)
Créer le pont avec l’autre : écoute, curiosité, reconnaissance.

« Je vois que le sujet t’intéresse. »

R – Rationaliser
S’appuyer sur des faits, des éléments concrets, le terrain.

« Ce projet est ambitieux, et aujourd’hui l’équipe est déjà à 110 %. »

A – Affirmer (s’exprimer)
Poser son cadre, ses limites, ses demandes.

« Je termine ma phrase, après je suis preneuse de ton point de vue. »

I – Inspirer
Ouvrir une perspective motivante, rappeler le “pourquoi”.

« Si on ajuste maintenant, on se donne une vraie chance de réussir ce projet sans cramer l’équipe. »

N – Négocier
Chercher un terrain d’accord, proposer des options.

« Si on veut que ça marche, on peut soit décaler certaines tâches, soit réduire le périmètre. Qu’est-ce qui te paraît le plus réaliste ? »

Un exemple de B.R.A.I.N.

face à un collègue qui te coupe la parole ou t’explique ton propre sujet :

B – Bridging

« Je vois que le sujet t’intéresse. »

R + A – Rationaliser & Affirmer

« C’est justement mon périmètre depuis plusieurs années, je termine et après je suis preneuse de ton point de vue. »

I + N – Inspirer & Négocier

« Si tu veux, on pourra creuser ensemble après la réunion, ça peut vraiment enrichir le projet. »

Donc, tu vois, influencer n’est pas un super-pouvoir réservé à quelques femmes “très sûres d’elles”. C’est juste un cerveau, un B.R.A.I.N., et quelques phrases préparées à l’avance.

8. Une question pour toi

La prochaine fois que tu entreras en réunion, au lieu de te demander :

« Est-ce qu’ils vont m’écouter ? »

essaie une autre question :

« Qu’est-ce qu’une version 10 % plus influente de moi-même ferait différemment, maintenant ? »

Parfois, ce 10 %, c’est :

  • une phrase que tu as préparée
  • un regard que tu ne détournes plus
  • ou le simple fait de ne pas te rasseoir intérieurement au premier mansplaining.

C’est là que, pour moi, commence vraiment l’influence au féminin.