1. Pourquoi ce sujet mérite toute notre attention
Une équipe sort de réunion. Sur le PV, une ligne sur la décision prise.
Mais des semaines plus tard… rien n’a bougé. Tout le monde pense que c’est “la faute de l’autre”.
Décision sans action? Ce scénario est courant — et coûteux.
Lorsque les décisions ne mènent pas à l’action, ce n’est pas un simple problème d’organisation. C’est le signe d’un dysfonctionnement plus profond : le point de décision est flou, implicite, parfois fantasmé. Il n’est ni nommé, ni assumé.
Et dans la durée, cette ambiguïté empoisonne la dynamique collective.
La non-décision est l’un des marqueurs les plus insidieux d’un leadership toxique :
- Elle crée de la confusion.
- Elle favorise la méfiance.
- Elle pousse les équipes à se replier ou à se justifier.
- Elle dilue les responsabilités et nourri les tensions invisibles.
Dans mes accompagnements, c’est un symptôme que je repère très vite.
Quand une équipe de direction ne sait plus quand — ni comment — elle décide, elle entre en zone de flou stratégique et relationnel.
Cet article part d’un constat simple : on insiste pas assez sur le point de décision, ce moment structurant la suite des actions.
Quand il est bâclé voire raté, ce sont des semaines, parfois des mois d’élan collectif qui s’effondrent.
2. Ce qui se joue vraiment à ce moment-clé
Un point de décision, c’est un changement d’énergie. On sent que la discussion s’achève et que le passage à l’action doit s’engager. Ce basculement devrait être clair, presque palpable. Trop souvent, il ne l’est pas. Et c’est là que les équipes s’égarent.
La décision qui en vrai, n’en était pas une
Je pense à une équipe dirigeante qui travaillait depuis des mois sur une nouvelle stratégie produit.
En fin de réunion, la Boss conclut :
“On est alignés sur la version B, alors on y va.”
Personne ne s’y oppose. Quelques hochements de tête. On passe à un autre sujet. Nouvelle discussion.
Tout le monde quitte la salle. le PV est distribué.
Un mois plus tard, rien n’a bougé.
– Les opérations attendent un brief.
– Le marketing peaufine encore d’autres options.
– Le commercial n’a rien intégré dans son discours.
Quand en team coaching, je questionne l’équipe marketing sur leur frustration manifeste, la réponse tombe :
“On travaille sur cette présentation depuis des semaines et on n’a pas de décision. »
Ce cas est fréquent:
- La boss est convaincue d’avoir tranché
- Le manager croit qu’elle tergiverse. On interprète, on attend un signe supplémentaire, on reporte.
- Et au final, la confiance de la Boss s’érode : “Pourquoi ils n’avancent pas ?” “Pourquoi il revient dessus trois jours après ?” “Qui décide vraiment ici ?”
Le vrai problème
Il ne tient pas au contenu de la décision. Mais à l’absence d’un moment clair, vécu ensemble, où chacun comprend :
- Ce qui a été décidé
- Qui porte quoi et de quoi il est redevable
- Et quand l’action démarre
Dans un environnement complexe, tout ne peut pas être prévu* ( voir mon article sur Cynefine). Mais il faut poser des repères et avancer pas à pas. Sans mouvements, le système s’enlise.
3. Comment rendre le point de décision explicite
Une bonne décision n’est pas celle qui obtient l’approbation polie d’un comité.
C’est celle qui sera exécutée. Et pour cela, ce sont, idéalement les doers — ceux qui agiront — qui doivent porter le processus.
Voter avant de discuter
On commence par recueillir leurs idées.
Puis chacun prend un temps de réflexion individuelle et vote.
Ce geste simple bloque l’effet mouton : il capture des positions sincères, avant que la discussion collective ne déforme ou n’intimide.
Faire parler les extrêmes
Une fois le vote posé, il ne faut pas donner la parole aux plus enthousiastes.
On commence par ceux qui doutent, qui s’opposent, qui voient autrement.
Ces voix minoritaires apportent les objections utiles, les conditions de réussite, les angles morts.
Si elles ne sont pas entendues, elles se transforment en résistance passive.
Vérifier la probabilité réelle d’exécution
À ce stade, reste une question cruciale : cette décision sera-t-elle réellement appliquée ?
David Marquet propose d’utiliser les Probability Cards : un jeu de cartes affichant 1, 5, 20, 50, 80, 95 et 99.
Plutôt que de demander “Êtes-vous d’accord ?”, question binaire et stérile, on demande :
“Quelle est la probabilité que cette décision soit exécutée ?”
Chacun choisit une carte.
Si la moyenne est basse, inutile d’avancer.
Il faut rouvrir la discussion, lever les freins, clarifier les zones floues.
Comment traiter les voix minoritaires
Marquet met aussi en garde contre une erreur fréquente : demander à un opposant direct “Que faudrait-il pour que tu dises oui ?”
Cette question place la personne sur la sellette, comme si elle bloquait l’élan du groupe.
Sous pression, elle risque de se rallier par conformité, et non par conviction.
Un truc que je trouve génial dans ma pratique : demander au groupe de reformuler la position de celui ou celle qui n’est pas du tout d’accord.
Cet exercice protège la voix minoritaire, renforce l’écoute et ouvre la perspective collective en mettant en lumière nos inévitables biais…
Et dans de petits groupes, un vote anonyme (post-it, cartes face cachée) peut aussi réduire la peur du jugement et libérer une parole plus honnête.
La clé
Un point de décision clair se construit à travers un processus qui combine trois gestes simples :
- Voter avant de discuter.
- Écouter d’abord les extrêmes.
- Mesurer la probabilité d’exécution.
On ne cherche pas à convaincre. On cherche une décision qui sera réellement portée, assumée et exécutée par l’équipe.
Nous sommes bien loin des consensus « mous » !
4. Quand la décision devient un vrai point de bascule
Les décisions sont là pour créent du rythme, donner une direction, engager l’énergie collective.
Quand le point de décision est clair, l’équipe sait quoi faire, quand commencer et pourquoi cela compte. Quand il est flou, les réunions s’accumulent, les malentendus prolifèrent, la confiance s’effrite.
Dans les environnements complexes, il n’existe pas de décision parfaite.
Mais il existe des décisions vivantes : suffisamment robustes pour guider l’action, et suffisamment souples pour s’adapter.
Un leader mature ne cherche pas à convaincre à tout prix.
Il crée les conditions d’un basculement collectif, où l’on sent que la discussion est close et que l’action peut commencer.
C’est ce moment-là — ni trop tôt, ni trop tard — qui libère l’élan.
Passer de la discussion à l’action
Si ton équipe passe trop de temps à débattre, à tergiverser ou à attendre un “vrai go”, c’est peut-être le signe qu’il faut redonner de la clarté à vos points de décision.
C’est précisément ce que je fais dans mes coachings d’équipes:
- Identifier les zones de flou.
- Nommer les non-dits.
- Installer des repères collectifs clairs.
Une décision, ce n’est pas un mot. C’est un mouvement partagé.
Contacte-moi pour un premier échange et voyons comment transformer tes réunions en décisions qui comptent vraiment.😊