D’ou ça vient?
En tant que femme, as-tu déjà hésité à tenter quelque chose, simplement parce que tu n’étais pas sûre d’y arriver ?
Moi oui. Et je ne compte plus les femmes brillantes que j’accompagne qui vivent la même chose.
Ce n’est pas un manque d’ambition, ni de talent. C’est cette peur de l’échec féminin, souvent silencieuse mais bien réelle, qui freine l’audace des femmes, même les plus compétentes.
Elle n’a rien à voir avec le tempérament. Elle a une histoire. Elle s’est glissée en nous très tôt — dans notre éducation, nos modèles, nos récompenses, nos corrections.
- Quand on nous a félicitées pour notre sagesse plutôt que pour notre audace.
- Quand on nous a corrigées poliment — mais fermement — pour un oubli qu’on aurait jugé « normal » chez un garçon.
- Quand on nous a appris à bien faire, plutôt qu’à tenter.
À force, on a associé notre valeur à notre capacité à éviter l’erreur.
Et ça, c’est un poison pour l’ambition.
Ce que je veux te partager ici, c’est ce que disent les recherches, mais aussi ce que je vois sur le terrain : les femmes ne sont pas moins audacieuses. Elles sont souvent moins autorisées à rater. Et tant qu’on ne regarde pas ce mécanisme en face, il continuera à limiter des carrières, des élans, des libertés.
Les recherches le prouve : la peur de l’échec 😨 est plus forte chez les filles
Loin d’être une impression, cette réalité est largement documentée.
Les données PISA 2018, recueillies auprès de plus de 400 000 adolescents dans 63 pays, montrent que les filles de 15 ans déclarent une peur de l’échec nettement plus forte que les garçons.
Elles évitent davantage les situations où elles risquent de se tromper, et cette anxiété nuit directement à leur bien-être psychologique et à leur engagement scolaire.
Un paradoxe frappant apparaît : plus un pays est avancé en matière d’égalité, plus cet écart est marqué.
Pourquoi ? Parce que là où les filles ont toutes les chances « sur le papier », l’échec devient d’autant plus stigmatisant : « tu as toutes les clés, alors ne te rate pas ».
La pression implicite monte, et avec elle, la peur de ne pas être à la hauteur.
Les chercheurs Eriksson et Strimling (2023) parlent d’un effet cumulatif : les attentes élevées, combinées à des normes sociales rigides renforcent cette peur chez les filles, même dans les environnements les plus favorables..
Autrement dit, on est loin d’une question de volonté personnelle.
C’est un phénomène structurel — une forme d’éducation invisible qui, dès l’adolescence, apprend aux filles à redouter l’erreur plutôt qu’à l’apprivoiser.
Un conditionnement précoce : l’éducation des filles à la perfection
Derrière cette peur précoce de l’échec se cache un phénomène bien connu en psychologie du développement : le biais d’attribution différencié selon le genre.
➡️ Les filles sont félicitées pour leur comportement et leur rigueur ;
➡️ Les garçons, pour leur initiative et leur courage et leur prise de risque.
Quand une fille réussit, on lui dit souvent « Tu es très intelligente ».
Quand elle échoue : « Tu n’as pas les compétences ».
Cela installe une logique pernicieuse : la performance devient un indicateur de valeur personnelle. Or, selon Carol Dweck, cela alimente ce qu’elle appelle un fixed mindset (esprit fixe), où l’erreur devient une preuve d’échec identitaire, plutôt qu’une opportunité d’apprentissage.
Les conséquences sont multiples : perfectionnisme, peur du regard, auto-censure, et procrastination anxieuse.
Des études montrent que les filles s’auto-censurent dès le collège : elles n’osent pas lever la main si elles ne sont pas certaines de leur réponse.
Les garçons, eux, testent, osent, se trompent, et … apprennent.
Ce conditionnement précoce nourrit ce qu’on appelle aujourd’hui le syndrome de la perfection, un schéma où la peur de l’échec féminin s’installe dès l’enfance et continue de freiner l’ambition des femmes à l’âge adulte.
À l’âge adulte : jugées plus durement, attendues au tournant
Tu pourrais croire qu’en grandissant, on s’en libère.
Qu’une fois adultes, diplômées, compétentes, l’égalité est acquise. Mais non.
Cette peur de l’échec, installée depuis longtemps, change de visage.
Elle devient plus subtile, plus insidieuse… mais toujours présente.
Dans beaucoup d’entreprises, les femmes doivent constamment prouver qu’elles méritent leur place.
On attend d’elles qu’elles soient à la fois performantes, diplomates, inspirantes… sans jamais déranger.
➡️ Un homme qui se plante ? Il a pris un risque.
➡️ Une femme ? Elle s’est surestimée.
C’est exactement ce que décrit la Role Congruity Theory : les femmes sont jugées à la fois sur leurs résultats et sur leur conformité aux attentes de genre.
Pas trop affirmée, mais pas trop molle.
Pas trop directive, mais pas trop floue.
Et si tu sors des clous ? Tu le paies. Doublement.
(Si tu as participé à mes ateliers “Renforcer son leadership au féminin”, tu sais déjà tout cela… 😊)
Même à l’université, ça commence tôt.
Claudia Goldin l’a montré : dès qu’une étudiante décroche un 4 au lieu d’un 5 sur 6, elle est bien plus susceptible qu’un garçon de changer de filière.
Pas parce qu’elle n’en est pas capable, mais parce qu’elle interprète cette note comme une preuve qu’elle n’est pas légitime.
Ce n’est pas un échec : c’est un signal d’alarme identitaire.
Alors oui, on avance.
Mais pas à armes égales.
Dans le monde du travail comme dans l’éducation, la peur de l’échec féminin reste un frein invisible à l’ambition des femmes. Tant qu’on ne redéfinit pas ce que signifie “échouer”, on continuera à limiter leur champ d’action.
Changer la donne : ce qu’on peut faire, concrètement
Ce conditionnement n’est pas une fatalité.
Une fois qu’on le voit, on peut le démonter. Et cela commence dans nos gestes du quotidien.
Parce que non, ce n’est pas juste dans la tête.
C’est dans les mots qu’on emploie.
Les attentes qu’on formule.
Les regards qu’on pose.
Nos actions, surtout.
Alors que faire, me diras-tu ?
Peut-on changer une culture aussi profondément imprimée dans nos inconscients collectifs ?
Oui. Pas d’un coup. Mais ensemble.
Dans la vie privée
-
Cesser de féliciter uniquement les résultats parfaits, et commencer à valoriser l’effort, l’audace, la progression :
« Tu t’es lancée. » « Tu as persévéré. » « Tu as osé tester quelque chose de nouveau. » -
Normaliser l’erreur : ne pas l’effacer, mais en faire un passage, pas une faute.
-
Dire clairement : « Ce n’est pas ton niveau de compétence qui est en jeu, c’est un apprentissage. »
Au travail
-
Prendre conscience de nos biais de jugement : se demander si on réagirait de la même façon face à un homme.
-
Créer des espaces de feedback où l’imperfection est autorisée — où on apprend à apprendre.
-
Encourager le partage des erreurs, les retours d’expérience honnêtes, sans disqualification ni honte.
On n’a pas besoin de chouchouter.
Mais on a besoin d’élargir le droit à l’erreur pour toutes et tous.
Sinon, on continuera à récompenser les plus confiants, pas les plus compétents.
Et les hommes, dans tout cela ?
Nous ne changerons pas les choses entre femmes. Pas seules.
Car ces mécanismes — jugements implicites, attentes asymétriques, doubles standards — ne sont pas “des histoires de filles”. Ce sont des normes collectives.
Et elles ne se renversent pas en vase clos.
Les hommes — pères, conjoints, professeurs, collègues, dirigeants, coachs — ont un rôle essentiel à jouer.
Pas pour “sauver” ou “soutenir”, mais pour devenir des alliés conscients :
-
observer leurs propres biais,
-
écouter sans se défendre,
-
poser des questions,
-
corriger quand il le faut.
Et ce, dans des situations aussi variées que :
-
les recrutements,
-
les feedbacks,
-
les réunions (où, trop souvent, une idée n’est entendue que lorsqu’un homme la répète).
Messieurs, cette invitation n’est pas une accusation.
Vous ne pouvez pas savoir ce que vous ne savez pas.
Mais lorsque vous ouvrez les yeux sur ces mécanismes, tout le monde y gagne — les femmes, les équipes, et les organisations.
Reprendre le droit à l’erreur
Tu n’es pas née avec la peur de l’échec.
Tu l’as apprise.
Souvent très tôt.
Mais rien n’est figé. Ce syndrome de la perfection, tu peux le déconstruire.
D’abord en le nommant.
Puis en l’affrontant.
Et surtout, en t’autorisant — vraiment — à être en apprentissage.
À tester.
À te tromper.
À recommencer.
Je ne dis pas que c’est simple.
Mais je sais une chose : plus tu oses parler de ce qui te freine, plus tu libères ce qui te pousse.
Alors si tu t’es reconnue dans ces lignes, rappelle-toi :
Tu n’es pas seule.
Tu n’es pas fragile.
Et tu n’as pas à être parfaite pour être légitime.
Tu as le droit d’essayer.
Et même de te rater.
C’est comme ça qu’on avance.
✨ Et si tu veux aller plus loin : découvre le programme Life Work Brillance, qui t’accompagne à faire briller ta trajectoire sans t’épuiser à tout prouver.
Et tu n’as pas à être parfaite pour être légitime.
Tu as le droit d’essayer. Et même de te rater. C’est comme ça qu’on avance.