L’énergie du feedback positif

“Bravo, bon boulot.”

Cette phrase qu’on croit bienveillante sonne souvent creux.
Elle rassure le manager plus qu’elle ne nourrit l’équipe.
La vraie reconnaissance, celle qui recharge l’énergie collective, ne félicite pas : elle relie.
Et c’est là que commence le leadership conscient.

On parle beaucoup de feedback, mais rarement du feedback positif. Souvent relégué au second plan, perçu comme un supplément d’âme, il est pourtant un levier puissant de performance, de cohésion et d’humanité. Ce n’est ni de la flatterie, ni de la complaisance : c’est une manière de réguler les relations et de restaurer la confiance dans les équipes. Et c’est précisément ce dont nos organisations ont besoin aujourd’hui.

Une attitude suspicieuse

Au fil de mes années de formation et de coaching, j’ai remarqué la même réaction chez les leaders : un légère gène suivie d’une moue sceptique, un air de dire —
“C’est gentil tout ça, mais pas pour moi. Dans mon monde, on n’a pas le temps pour les compliments.”

Et il suffit que je lance un exercice pour que la perception change. Le climat de la pièce change.

Le feedback positif de reconnaissance de la tache bien faite, quand il est donné avec structure et en conscience, transforme la dynamique d’une équipe. Il change les relations, les conversations, et même la « biologie » du collectif.

La science derrière le feedback positif

Le feedback positif  il agit sur le cerveau en plus de faire du bien au moral. Quand nous recevons une reconnaissance sincère, notre cerveau libère de l’ocytocine, cette hormone produite par l’hypothalamus et associée au lien et à la confiance.
Elle renforce notre sentiment d’appartenance, diminue la vigilance défensive et ouvre l’espace à la coopération.

À l’inverse, un climat saturé de stress ou de contrôle libère du cortisol, qui resserre notre attention sur nous-mêmes et réduit notre capacité d’écoute.

Paul Zak, neuroéconomiste, a montré que ocytocine stimule les comportements de confiance et de coopération. Barbara Fredrickson, professeure de psychologie positive, a démontré que les émotions agréables élargissent notre champ de perception et favorisent la créativité.

A la racine de la sécurité psychologique

Les travaux d’Amy Edmondson (Harvard) ont mis en lumière un facteur déterminant de la performance collective : la sécurité psychologique.
C’est cette atmosphère de confiance qui permet à chacun de parler ouvertement, d’admettre une erreur, de questionner une décision ou de proposer une idée sans craindre d’être jugé.

On me demande souvent : comment faire émerger cette sécurité, puisqu’elle ne se décrète pas ?
La réponse tient dans la qualité des micro-interactions quotidiennes.
Chaque regard, chaque mot, chaque feedback contribue à ce climat invisible qui détermine la liberté de parole.

Le feedback positif joue ici un rôle décisif.
Il ne s’agit pas de flatter, mais de créer les conditions de confiance et de reconnaissance qui rendent possible la franchise.
En reconnaissant un effort, une intention juste ou un progrès — même minime — tu envoies un message implicite mais puissant :

“Ici, ce que tu fais a de la valeur, même quand tout n’est pas parfait.”

Répété dans le temps, ce type de feedback installe une sécurité émotionnelle qui ouvre la voie au feedback correctif, à la transparence et à la responsabilité partagée.
Sans cette base, le feedback devient une attaque. Avec elle, il devient une conversation de croissance. En d’autres termes : Le feedback positif ne masque pas les erreurs — il rend possible la vérité.

Ce que le feedback positif n’est pas

Avant d’aller plus loin, clarifions une confusion fréquente :
Le feedback positif n’est pas qu’un compliment. Ce n’est pas non plus un “bravo” lancé à la volée, encore moins une caresse dans le sens du poil.
C’est une reconnaissance consciente d’un comportement, d’un effort ou d’une intention qui sert la mission collective.

–> Un compliment flatte l’ego.
–> Un feedback positif nourrit le sens.

Quand il est bien formulé, il dit à la personne : “Je t’ai vu(e). Ce que tu as fait compte. Et voilà pourquoi.”

Comment articuler une reconnaissance

1. Le feedback émotionnellement intelligent

C’est la formule que j’enseigne le plus souvent, parce qu’elle crée une véritable connexion.

“J’ai été (émotion sincère) que tu aies (comportement concret), parce que (bénéfice / impact).”

Cette structure paraît simple, et elle change tout.
Elle ancre le feedback dans le ressenti authentique, pas dans le jugement.

Exemple maladroit :

“Je suis fière de toi, tu as bien géré la réunion.”
Derrière ces mots, on entend : “je t’évalue”, “je valide ton comportement.”

Exemple plus adéquat :

“J’ai été touché que tu aies écouté les griefs de Paul sans l’interrompre ni t’énerver.
Grâce à ton attitude, tout le monde s’est senti plus serein pour rouvrir la conversation.”

Ici, tu reconnais la difficulté et l’intention de la personne, pas seulement le résultat.
Tu affirmes ton ressenti sans hiérarchie implicite.
Tu renforces le lien au lieu d’activer le besoin d’approbation.

Ce type de feedback active la connexion émotionnelle.
Il renforce l’estime mutuelle, pas la dépendance à la validation.

2. Le feedback structuré

Certains contextes — notamment techniques, scientifiques ou culturels — appellent une approche plus factuelle.
David Marquet, ancien commandant de sous-marin et auteur de Leadership is Language, propose une structure simple et redoutablement efficace :

“Ce que j’ai vu… / Ce que j’ai ressenti… / L’impact que cela a eu…”

Cette version garde la dimension humaine, mais sans excès d’émotion.
Elle convient particulièrement aux milieux où l’on valorise la rigueur et la clarté.

Exemple :

“J’ai vu que tu as pris la parole calmement pour défendre ton point de vue et j’ai ressenti du courage et une vraie clarté.
En conséquences les autres t’ont écouté différemment, et la discussion est devenue constructive.”

Cette approche rationalise la reconnaissance sans la déshumaniser.
Elle relie la performance à la conscience des effets.

3. Choisir selon le contexte

Les deux formules ne s’opposent pas : elles se complètent.
L’une nourrit la connexion émotionnelle, l’autre la clarté et la responsabilité.

Utilise la première dans les moments de tension, de courage ou de vulnérabilité.
Utilise la seconde quand tu veux valoriser un comportement professionnel précis, sans verser dans l’émotion.

Le bon feedback, c’est celui qui relie sans flatter, éclaire sans juger, nourrit sans envahir.

De la structure à la transformation

Le feedback positif c’est une posture.
C’est une façon de dire : “Je te vois, je t’entends, et ton action a du sens pour moi.”

Je me souviens d’une cadre dans un groupe pharmaceutique. Au début, elle me disait : “Je ne vais quand même pas féliciter mes équipes pour faire leur travail.”
Quelques mois plus tard, elle m’a confié :  “Ce feedback de reconnaissance a changé ma manière de regarder le travail des personnes et a même influencé la qualité de mes relations à la maison.”

Ce n’est pas un hasard.
Quand nous reconnaissons l’autre sincèrement, nous activons le système de coopération de notre cerveau.
Et plus nous pratiquons, plus nous renforçons notre propre équilibre émotionnel.
Nous devenons des leaders plus calmes, plus justes, plus humains.

Humaniser la performance

Je t’invite  changer ton regard et à observer un comportement qui contribue — même discrètement — à ton équipe ou à ton projet.
Formule un feedback avec l’une des deux structures. Dis-le. Regarde l’effet. Tu verras peut-être un léger étonnement d’abord, puis un sourire, puis un changement subtil dans la posture de l’autre.

C’est ça, le pouvoir du feedback positif : il recrée du lien là où la pression avait pris la place du sens.

–> Il humanise la performance.
–> Il répare les micro-blessures du quotidien.
–> Il rend visible ce qui compte vraiment.

Et s’il fallait résumer son essence en une phrase, ce serait celle-ci : c’est une reconnaissance consciente qui aligne le cœur, la tête et l’action. 😊