Désaccords et conflits comment transformer l’orage intérieur en force

Il y a des phrases qui brûlent. Des mots qu’on sent venir, mais qui frappent quand même. Comme l’orage : soudain, tout ton système nerveux entre en alerte. Comment transformer l’orage intérieur en force de leadership?

Une directrice que j’accompagne me confiait récemment :

« J’ai été piquée au vif quand un collègue m’a dit : “De toutes façons, tu n’as pas les compétences pour faire ça, hein ?” C’était une provocation, je le savais… mais ça m’a fait mal. Comment je peux répondre sans me laisser embarquer ? »

Qui n’a jamais vécu ça ? Une remarque acide, un ton condescendant, une pique subtile — et tout à coup, ton corps réagit avant ta tête.
Le cœur s’accélère, la mâchoire se serre. Ton système nerveux, programmé pour te protéger, choisit une option parmi trois : attaquer, fuir ou se figer.

Quand la tension teste notre puissance individuelle

Face à la tension, nous ne réagissons pas toutes de la même manière.
Certaines fuient, d’autres contre-attaquent. Certaines se ferment, d’autres tentent de garder le lien.
Et puis il y a celles qui, avec le temps, apprennent à rester présentes.

Moi, si je ne fais pas attention, j’étais clairement du genre à contre-attaquer. Et pas à moitié : à appuyer fort, à piquer là où ça faisait mal.
J’ai appris à reconnaître ce réflexe, à comprendre d’où il venait : de cette petite gamine que personne n’écoutait, qui avait fini par croire que pour exister, il fallait s’affirmer plus que les autres.

Nos réactions ne disent pas seulement quelque chose de notre tempérament ; elles révèlent notre rapport au pouvoir relationnel.
Quand une parole nous déstabilise, c’est souvent qu’elle vient toucher une zone sensible : un doute, un besoin de reconnaissance, un réflexe de légitimité.

Ce n’est pas une faiblesse : c’est de la neurobiologie. Sous stress, l’amygdale prend le contrôle. Le cortex rationnel se met en veille. Nous réagissons, au lieu de répondre.

Mais la tension, si on la regarde de près, est une opportunité. Elle teste notre leadership antifragile, notre capacité à rester en lien sans nous renier.

Le continuum du pouvoir relationnel

Au fil des années, j’ai observé que nos comportements en situation de tension s’inscrivent sur un continuum :

À gauche : la dépendance émotionnelle, où l’on cherche l’approbation, quitte à se disqualifier soi-même.

À droite : l’indépendance défensive, où l’on se protège derrière le contrôle ou l’autorité.

Et au centre : l’interdépendance, cet espace du nous, où le pouvoir devient relationnel plutôt que hiérarchique.

Schéma illustrant le continuum du pouvoir relationnel entre dépendance et indépendance, montrant comment se développe l’interdépendance et l’assertivité authentique dans le leadership antifragile.
Le continuum du pouvoir relationnel : de la dépendance émotionnelle à l’interdépendance consciente.

 

C’est dans cet espace du nous que se développe la posture la plus subtile — celle où l’on peut tenir sa place sans écraser, écouter sans s’effacer.
Et c’est précisément là que prend racine l’assertivité authentique.

Ma définition de l’assertivité

On me demande souvent du coaching pour “renforcer l’assertivité”, comme si cela voulait dire apprendre à s’imposer ou à se faire respecter, surtout lors de la gestion des désaccords, des tensions ou des conflits.

Mais à mes yeux, l’assertivité n’a rien à voir avec la domination : c’est une posture intérieure.
Une manière d’habiter la relation en restant ancrée dans sa vérité, sans chercher à convaincre ni à plaire.

Être assertive, c’est se tenir droite dans le lien :
– claire sur ce qu’on ressent,
– claire sur ce dont on a besoin,
– ouverte à l’autre sans se renier soi-même.

Dans cet espace d’interdépendance, chacune des parties reconnaît l’émotion de l’autre sans s’y dissoudre tout en exprimant la sienne sans la projeter.

Je peux dire :

“Je comprends ce que tu ressens, je vois ce que je provoque, je le reconnais, et voici ce dont moi j’ai besoin, même si c’est différent.”

Voilà l’assertivité authentique : celle qui garde le lien vivant tout en maintenant la limite claire.
Et c’est là qu’apparaît la nuance essentielle entre sympathie et empathie.

  • La sympathie nous fait glisser dans l’émotion de l’autre — on plonge avec lui.
  • L’empathie, elle, nous permet de comprendre sans absorber, de voir et de nommer sans se perdre.

L’assertivité véritable s’enracine dans cette clarté tranquille des femmes qui n’ont plus besoin de s’imposer pour être entendues, ni de se taire pour être acceptées. C’est une compétence d’équilibre. Une posture de leadership conscient et antifragile, parce qu’elle transforme la tension en apprentissage, le désaccord en espace de clarification, et chaque échange difficile en occasion de grandir — pour soi et pour la relation.

 

Prendre conscience de ton pattern d’attachement

John Bowlby, fondateur de la théorie de l’attachement, a montré que notre manière d’entrer en relation se construit très tôt, à travers les premières expériences de sécurité — ou d’insécurité — vécues dans l’enfance. Mary Ainsworth a ensuite confirmé et précisé ces observations, en identifiant différents modes de régulation du lien.

  • Certaines personnes développent un attachement anxieux : elles craignent la perte du lien et cherchent constamment la validation — un pattern de survie très répandu chez les femmes.
  • D’autres montrent un attachement évitant : elles préfèrent garder leurs distances pour ne dépendre de personne — le pattern des amazones qui n’ont besoin de personne.
  • Enfin, il existe un attachement sûr ou sain, un équilibre rare où l’on peut être proche sans se perdre, autonome sans se couper.

Des recherches plus récentes, notamment celles d’Amir Levine et Rachel Heller (Attached – La nouvelle science de l’attachement, 2010/2019), ont montré que ces dynamiques ne concernent pas que la sphère intime.
Elles influencent aussi nos comportements en contexte professionnel : besoin d’approbation, peur du rejet, difficulté à poser des limites ou à faire confiance.
Les reconnaître, c’est déjà amorcer un mouvement vers plus de maturité relationnelle et de pouvoir conscient.

 

Les clés de l’interdépendance

C’est exactement ça, l’interdépendance. Ni fusion, ni domination. Une posture d’équilibre et de conscience, où je reste reliée tout en restant libre.

Une posture à la racine du leadership conscient: la capacité à tenir sa place sans écraser, à écouter sans s’effacer.

 

De la fragilité à l’antifragilité relationnelle

Revenons à ma cliente. Elle savait que la phrase de son collègue était une provocation.
Mais la morsure, elle, était bien réelle.

Je lui ai demandé : « Qu’est-ce qui t’a fait le plus mal : la phrase, ou ce qu’elle a réveillé en toi ? »
Elle a réfléchi : « Le sentiment qu’il pouvait avoir raison. 😶 »

Voilà le point de bascule.

L’antifragilité commence quand on accepte de regarder ce qui fait mal sans fuir.

Elle aurait pu répliquer sèchement :

« Et toi, tu as les compétences pour me juger ? » — réflexe d’attaque.
Ou se taire en ruminant toute la journée — réflexe de fuite.

Mais la posture antifragile consiste à remettre la balle au centre sans violence, mais avec conscience :

« Aha,… (regarder dans les yeux) Intéressant que tu penses ça. Qu’est-ce qui te fait dire que je ne pourrais pas ? »

Cette réponse garde le lien ouvert tout en déplaçant le rapport de pouvoir.
Elle transforme la tension en feedback utile. C’est ça, l’antifragilité relationnelle : non pas “rester zen”, mais grandir à chaque secousse.

Selon Nassim Nicholas Taleb, dans Antifragile: Things That Gain from Disorder, l’antifragilité ne se contente pas de résister : elle profite du choc pour se renforcer.
Appliquée à la communication consciente, c’est la capacité à transformer le conflit en clarté, l’émotion en apprentissage.

 

Le leadership comme laboratoire d’antifragilité

Dans le leadership, la tension n’est pas une anomalie : c’est le terrain d’entraînement.
Chaque désaccord, chaque silence, chaque émotion inconfortable est une occasion d’affiner notre conscience du pouvoir.

L’enjeu n’est pas d’éviter ces moments, mais d’apprendre à les traverser sans se trahir.
À comprendre que la tension, bien vécue, est une forme de feedback. Elle nous parle de notre manière d’écouter, de poser des limites, de chercher l’équilibre entre influence et ouverture.
Sans feedback, comment évoluer ? Comment affiner sa lucidité, son discernement, sa présence ?

Comme le dit Brené Brown dans Dare to Lead :

« Choisir le courage plutôt que le confort. »

Et c’est bien ce choix, répété encore et encore, qui nous rend antifragiles.

 

À retenir

Gérer la tension, c’est gérer le pouvoir — le tien, celui de l’autre, et celui de la relation.
Et plus tu oses la traverser sans fuir ni écraser, plus tu deviens

La vraie force vient de la capacité à transformer chaque tension en apprentissage, à choisir le courage plutôt que le confort, et à rester vivante, consciente et reliée, même quand l’orage gronde.

 

Des ressources qui m’ont vraiment inspirée

  • Daniel J. SiegelL’esprit en développement (Éditions De Boeck, 2015) — que j’ai lu et écouté au moins trois fois !
    Un ouvrage fascinant pour comprendre comment les expériences relationnelles façonnent notre cerveau, nos émotions et nos réactions. Siegel montre comment relier raison et émotion pour développer une communication consciente et une présence alignée — le socle du leadership antifragile.
  • Amir Levine & Rachel HellerAttached (Éditions Marabout, 2019).
    Ce livre est une porte d’entrée fascinante vers la psychologie de l’attachement adulte. Les auteurs y décrivent trois profils qui influencent notre manière d’entrer en relation.
  • Brené BrownOser diriger (Guy Trédaniel Éditeur, 2019).
    Un must pour explorer le courage relationnel, la vulnérabilité et l’assertivité authentique. Brown nous rappelle que le vrai leadership ne consiste pas à plaire, mais à oser le courage plutôt que le confort.
  • Nassim Nicholas TalebAntifragile : Les bienfaits du désordre (Les Belles Lettres, 2013).
    Un essai incontournable pour comprendre comment les chocs, les tensions et l’incertitude nourrissent notre évolution. Taleb démontre que la vraie solidité naît du mouvement et de la capacité à apprendre des secousses.

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